Ma première fois à JP Morgan / Bio Partnering

Oops! Something went wrong while submitting the form.

Aller pour une semaine à la conférence JP Morgan / Bio Partnering à San Francisco, c’était pour moi un rêve, plusieurs personnes m’en avaient parlé comme l’événement mondial annuel majeur pour le domaine de la santé, auquel il faut avoir absolument participé au moins une fois dans sa vie ; de ce fait, j’ai beaucoup rêvé et anticipé ce moment, mais comme souvent, lorsque les attentes sont très fortes… il peut y avoir de la déception au bout du compte. Dans mon cas, rien de tout cela, comme à chaque fois que je retourne à San Francisco, je suis toujours surpris et étonné par l’esprit d’innovation qui caractérise cette ville et toute cette région.

En l’occurrence, je voudrais partager ici mes 3 découvertes de JP Morgan / Bio Partnering : 

#1 Le royaume de la serendipity : Je m’attendais à des grandes salles de conférence où s'enchaînent des présentations marquantes avec un large public regroupant des milliers de participants : en réalité, je n’ai assisté à aucune conférence plénière, car il y a une multitude d’événements privés ou semi-privés, formels et informels, partout dans San Francisco, tout au long de la journée et… jusque tard dans la soirée ; San Francisco devient un grand club de rencontres professionnelles où se mélangent les différentes entreprises du domaine de la santé, en particulier toutes les startups en santé : BioTech, MedTech, PharmaTech, HealthTech, ainsi que les CROs et bien évidemment tous les laboratoires pharmaceutiques et les fabricants de dispositif médical, qui ont tous leur propre espace privé.

Finalement, JP Morgan / Bio Partnering est un événement dont l’objectif et l’organisation décentralisée permettent de multiplier les rencontres exploratoires ; en choisissant certains événements thématiques, on peut facilement découvrir de nouveaux horizons et acquérir très rapidement une vision globale.

On passe donc d’un lieu à l’autre, on enchaîne les rencontres, c’est la mise en pratique à grande échelle de la serendipity dans le domaine de l’innovation en santé.
Mais bien évidemment, il y a également de grandes conférences avec des annonces extraordinaires, en oncologie en particulier, voici un lien qui en résume quelques-unes.

#2 Cash Crunch à la recherche du Business Model : Toutes les discussions tournent autour du financement, la première question est souvent “combien d’argent avez-vous levé ?” ou bien “combien d’argent cherchez-vous ?”, mais l’expression qui revient à chaque fois, c’est le “cash crunch”, les investisseurs sont bien là, ils ont toujours de l’argent dans leur compte en banque, mais le niveau de financement a fortement baissé depuis 2021 (voir graphique ci-dessous publié par CB Insights). 

Graphique issu d’une étude de CB Insights intitulée State of Digital Health, https://www.linkedin.com/company/cb-insights/

Mais au-delà du Cash Crunch, deux éléments m’ont marqué : 

1. Les investisseurs américains dans le domaine de la santé ne sont intéressés que par le marché américain ; pour eux, le marché européen est balbutiant, complexe, mal structuré et les niveaux de financement trop faibles comparés aux États-Unis. La vision est vraiment américano-centrée, on crée tout d’abord la santé digitale aux États-Unis et ensuite, on impose notre modèle au reste du monde (à l’exception de certains pays comme la Chine, la Russie, et quelques autres, qui restent étanches aux modèles mondiaux).

2. Lors d’un événement privé rassemblant uniquement des CEO de startups en santé, tous les échanges tournaient autour du “business model” de la santé digitale, les entreprises les plus jeunes souhaitant bénéficier des entreprises les plus avancées, mais il est rapidement apparu que toutes les entreprises partagent la même situation, quelle que soit la phase de développement, seed, série A, B, C, D…. Elles continuent à rechercher leur Business Model : le constat est étonnant, personne, en particulier aux US, n’a encore trouvé la recette magique (magic recipe), et malgré cela, les entreprises de la santé digitale continuent de se développer, de trouver des financements avec une conviction finale qui fait l’unanimité : la santé digitale est un nouveau monde à conquérir et continue à faire rêver les intrépides.

#3 La puissance grandissante de la force publique américaine dans le domaine de la santé : Pour moi, la puissance de l’innovation américaine dans le domaine de la santé provenait principalement du système de santé privé. Je précise que j’ai vécu aux États-Unis et j’ai pu expérimenter personnellement les deux systèmes, mais justement, c’était avant l’Obamacare ou “Affordable Care Act” de mars 2010. Voici donc les deux choses que j’ai pu découvrir : 

1. Financement public : Comme toujours, on a tendance à oublier que le gouvernement est très actif dans le domaine de l’innovation et n’hésite pas à financer des projets ambitieux, on se souvient de la création de l’internet par l’ARPA (Advanced Research Projects Agency) et qui s’appelait au début ARPANET, ou bien de Space X, financé par la NASA ou plus récemment du financement public de Moderna à hauteur de 10 Milliards de $. Dans le domaine de la santé, plusieurs organisations fédérales proposent des financements publics aux startups innovantes :

- NIH, National Institute of Health, c’est une administration fédérale qui finance la recherche et l’innovation dans le domaine médical, avec un budget annuel de 48 Milliards de dollars essentiellement distribué sous forme de subventions pour des projets de recherche (à titre de comparaison, l’INSERM en France disposait en 2022 d’un budget de 1,08 Milliard d’Euros)

- ARPA-H, Advanced Research Projects Agency for Health, est une agence fédérale créée en 2022 par l’équivalent du Ministère de la Santé américain (US Department of Health and Human Services), inspirée du modèle de la DARPA pour la Défense, à l’origine de l’internet, et dont l’objectif est d’accélérer les innovations biomédicales et améliorer la santé et les traitements pour diverses maladies. L’agence ARPA-H finance directement des startups avec un budget en 2023 de 1,5 Milliard de dollars.
En septembre 2023, ARPA-H lance une nouvelle initiative, ARPANET-H, un réseau d’innovation en santé digitale, qui reprend les principes du réseau internet pour le domaine de la santé, et dont le  but est d’animer un véritable écosystème d’innovation en santé regroupant les différents acteurs autour de la création et du financement de nouveaux services en santé digitale (voir graphique ci-dessous)

Évidemment, ARPANET-H ressemble beaucoup au programme Coalition Next, et créé plus de 2 ans plus tard, mais c’est probablement une pure coïncidence ! On pourrait aussi comparer ARPANET-H à l'Agence de l’Innovation en Santé (AIS) en France.

2. Déploiement public : Même si l’essentiel du système de santé américain reste privé, la mise en œuvre de l’Obama Care en 2010 s’est traduit par deux grands programmes : 

a) Medicaid, un programme qui aide à payer les frais médicaux pour les personnes les moins riches

b) Medicare, un système d’assurance santé pour : 

- Les personnes de 65 ans et plus

- Les personnes de moins de 65 ans souffrant de certaines maladies

- Les personnes de tout âge atteintes d’insuffisance rénale terminale (IRT) ou de SLA (également appelée maladie de Lou Gehrig)

Si un système privé est plus flexible et potentiellement plus innovant, il ne peut difficilement être homogène et encore moins standardisé, c’est la raison pour laquelle le programme Medicare est une véritable révolution, il a permis de créer et déployer des vrais services de santé industrialisés partout aux États-Unis avec une qualité mesurée et contrôlée. Pour déployer les services de Medicare, le territoire est partagé en 10 régions, et pour chaque région, une entreprise privée a été choisie pour mettre en œuvre l’ensemble des services Medicare. En réalité, les 10 régions sont gérées par seulement deux entreprises, Livanta et Kepro.

En résumé, le programme Medicare devient progressivement le moyen le plus rapide et le plus économiquement valorisant pour introduire et déployer des nouveaux services de santé digitale aux États-Unis, car il est encadré par une décision centralisée, un budget fédéral et soumis à un déploiement à travers deux entreprises privées qui contrôlent l’ensemble du territoire.

 

En conclusion, ma première fois à JP Morgan / Bio Partnering a été une véritable expérience transformationnelle, je reviens avec un nouveau réseau, des ouvertures sur de nouveaux horizons, des nouvelles idées, et surtout, de nouvelles convictions : 

San Francisco reste bien la capitale mondiale de l’innovation digitale et, comme, à chaque voyage, je suis toujours étonné par leur capacité à produire de nouvelles idées

La santé digitale se trouve encore dans une phase exploratoire, pas de recette magique, pas de Business Model éprouvé, mais toute une génération d’entrepreneurs qui ont une conviction profonde et passionnée, portée par le “rêve américain”, pour la construction d’une nouvelle et meilleure société 

Le système de santé américain est en profonde transformation et, porté par le développement des services Medicare, évolue petit à petit vers notre système de sécurité sociale européen ; et comme l’enseigne mon associé Pascal Bécache, il faut rappeler que c’est Bismarck qui a inventé la sécurité sociale au 19ᵉ siècle, permettant à l’Allemagne de bénéficier d’une meilleure santé lui donnant un avantage compétitif crucial sur les autres pays ; c’est donc avec la conviction profonde que l’Europe a une véritable carte à jouer dans l’émergence et la création d’un véritable marché de la santé digitale, rien n’est joué, allons-y !

👉 Vous avez un besoin en innovation santé, prenez rdv avec notre expert en cliquant ci-dessous :
https://calendly.com/dtranchier